Analyse criminelle

Mais qu’est l’analyse criminelle ?
Quelle est sa définition, le concept même existe-t-il ?
Quelle en est sa réalité ?

Il n’y a pas à ma connaissance de définition légale du terme analyse criminelle.
Le code pénal donne  » tous pouvoirs au juge d’instruction qui peut procéder à tous les actes d’informations qu’il juge utile à la manifestation de la vérité. Il peut ordonner toutes mesures utiles  » et les missions d’analyses criminelles entreraient alors dans ce cadre, mais il ne s’agit alors plus d’une expertise psychologique au sens traditionnel du terme. Quelle va être la fonction exacte du psychologue expert qui connaît mal la loi et travaille sous l’autorité d’un juge qui en est le garant ? Si dans le cadre d’une analyse criminelle, l’expert psychologue analyse la scène du crime et fatalement le comportement et la matérialité des faits sort-il de ses attributions ?
Le juge se laisserait-il alors influencer par un expert à la limite de la légalité ? Délèguerait-il aussi en l’occurrence ses propres fonctions ?
Pourquoi seul le juge pourrait-il ordonner une analyse criminelle ? Pourquoi l’avocat ne ferait-il pas aussi appel à un analyste puisqu’il peut embaucher des enquêteurs privés et demander aussi des expertises privées.
Quelle est la réalité juridique de l’appellation  » analyse psychocriminologique d’un dossier « . ?

L’analyse criminelle est basée sur celle des renseignements recueillis par les enquêteurs, leur exploitation à travers le regard plus global de l’analyste qui dispose de la totalité du dossier souvent constitué par de nombreux enquêteurs. Il bénéficie d’une formation différente mais complémentaire de la leur.
Le juge d’instruction étant le seul apte à spécifier dans sa mission ce qu’il attend de l’analyste. Une confiance totale doit être la règle.

Certains magistrats instructeurs demandent à ce que  » l’analyste  » travaille en collaboration avec les enquêteurs, d’autres ne le souhaitent pas et l’analyste ne travaille alors que sur dossier sans jamais rencontrer personne. .Or nous sommes en France dans le cadre d’une procédure écrite et tout n’est pas écrit, loin s’en faut.. Comment savoir ce qu’a ressenti un enquêteur, les notes qu’il a prises sans les faire figurer dans le dossier, ses échanges avec le juge d’instruction, les intuitions qu’il a eues, les réserves qui ne figureront pas dans la procédure ? Certains magistrats ont résolu le problème en me disant  » vous travaillez avec les enquêteurs mais vous ne le marquez pas dans votre rapport…  » Que dit la loi ?

Car il faut bien fournir un rapport au juge et en deux exemplaires. Ce rapport et ses conclusions n’ont pas plus valeur de preuve qu’une expertise psychologique ordinaire. Ce n’est qu’un regard de plus.

Parfois aussi le juge ne confie qu’une partie du dossier à l’analyste, celle qu’il considère comme intéressant l’expert… Parfois ce sont des lettres, anonymes ou pas, qu’il faut étudier afin de donner un portrait psychologique de l’auteur de ces lettres

Egalement, lorsqu’un individu est soupçonné ou susceptible d’être l’auteur d’un acte criminel, un juge peut demander si  » sa personnalité est compatible ou non avec le mode opératoire.  » L’individu en question n’est pas expertisé au sens habituel du terme, car dans le cadre d’une analyse on ne le rencontre pas, mais c’est en fonction de son histoire, de sa biographie, des éléments matériels recueillis par les enquêteurs que l’analyste va donner son avis. Simple avis. La personnalité de x est ou n’est pas compatible avec ce type de passage à l’acte. Libre au juge à ne pas tenir compte de cet avis. Des individus peuvent avoir des personnalités compatibles et ne jamais passer à l’acte, d’autres au contraire commettent des actes en total décalage avec leur personnalité. Il ne s’agit que donc que d’une simple information dont le juge va faire l’usage qu’il souhaite.
Il ne m’a jamais encore été reproché d’avoir en la matière écrit des imbécillités, ce qui pourrait arriver, la psychologie comme toute science humaine n’est pas une science exacte. Au contraire, les expertises des dits suspects lorsqu’elles ont été pratiquées ensuite par d’autres experts, ont toujours confirmé ma propre approche, ce qui ne signifie en rien qu’un individu qui aurait une personnalité compatible avec tel ou tel acte criminel, en soit l’auteur. Les experts, les analystes n’ont ni la compétence, ni le droit au sens fort du terme, d’affirmer la culpabilité de quiconque.


Jusqu’où l’analyste peut-il aller ?

Il ne remplacera jamais l’enquêteur contrairement à ce que la presse affirme. Ses conclusions doivent-elles orienter ou réorienter une enquête ? Quel est son rôle exact, où s’arrête sa mission car, et je rejoins les propos du juge Thiel, ce travail n’est parfois pas très différencié de celui de l’enquête. Il est certain que la frontière entre analyse criminelle et enquête est mal définie et souvent fluctuante. Tout juge, tout enquêteur fait de l’analyse ne serait-ce que lorsqu’il identifie la victime, et l’analyste fait parfois un peu d’enquête.  » Pouvez vous demander au légiste de préciser l’heure de la mort par exemple avec l’analyse du bol alimentaire…  »
Certains policiers attendent cependant trop de l’analyste, notamment des informations qui relèvent de leur compétence d’enquêteurs et pas de celle d’un psychologue.

La différence est au niveau parfois de l’expérience (il y a de très jeunes enquêteurs et de vieux psychocriminologues…) toujours de la formation et celle de psychologue-criminologue ne peut pas être dissociée de ce travail laborieux, apport complémentaire à une enquête judiciaire.
C’est un ménage à trois qui sous-tend l’analyse criminelle : le juge, les enquêteurs et l’analyste. Mais l’analyse se nourrit du travail des autres et les autres experts ont un rôle essentiel dans l’approche globale d’un dossier. Le légiste notamment, qui occupe une place fondamentale dans une enquête, pas plus que les autres experts ne sont jamais rencontrés par l’analyste…Pourquoi ?

Car le premier travail qui doit être effectué n’est pas la construction de la personnalité de l’auteur mais bien de celle de la victime. Analyse victimologique. C’est ce que font les enquêteurs au plan matériel, relationnel pour l’identifier.
A partir de ce travail il faut essayer de comprendre qui elle était, afin de construire ce fameux lien victimologique censé conduire à l’auteur, mais dont l’analyste ne donne ni le nom ni l’adresse.

 

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