Aquarius – Charles Manson

Mais qui est réellement le Charles Manson traqué dans Aquarius ? On a regardé la série avec une experte en criminologie pour décrypter le profil de l’un des plus grands serial killers des États-Unis.

Connu pour avoir commandité de violents meurtres à la fin des années 60, Charles Manson est certainement le meurtrier le plus énigmatique encore en vie à ce jour. La série Aquarius met en scène le détective Sam Hodiak, joué par David Duchovny, à la poursuite d’un tueur psychopathe pas comme les autres, doté d’une folie démesurée.

S’il y a une personne qui ne se laisse pas hypnotiser par Charles Manson, c’est la psycho-criminologue que nous avons rencontrée. Michèle Agrapart-Delmas travaille comme expert pour la justice depuis près de 30 ans et a côtoyé pas moins de 3000 criminels au cours de sa carrière. Elle a accepté de regarder la série avec nous.

Konbini | Qu’avez-vous pensé d’Aquarius ? Comment avez-vous trouvé le personnage de Charles Manson incarné par Gethin Anthony (le Renly Baratheon de Game of Thrones) ?

Je trouve que la série retranscrit plutôt bien l’ambiance des années 60 et la période hippie de l’époque. Concernant le Manson d’Aquarius, pour être honnête je n’ai pas été si convaincue que ça par la ressemblance physique. En réalité, Charles Manson était petit et mesurait 1m57 contrairement à ce qu’on peut voir dans la série. Cette infériorité physique est importante à mes yeux car elle montre à quel point il devait miser sur son art de manipuler les gens plutôt que de les impressionner physiquement. Je pense notamment à la scène où il tente de violer son avocat. Sinon, David Duchovny a très bien vieilli et son jeu d’acteur est encore plus étoffé que celui dans X-Files.

K | Votre métier consiste à analyser la psychologie des criminels, que diriez-vous de celle de Charles Manson ? En quoi est-il un des meurtriers les plus énigmatiques des Etats-Unis ?

La psychologie de Manson est extrêmement difficile à analyser. C’est une sorte de mosaïque structurée dans laquelle on retrouverait un grand nombre de facettes de sa personnalité toutes aussi déviantes les unes que les autres. On ne peut pas décrire Charles Manson en un seul mot. Il est à la fois séducteur, manipulateur, cruel, mythomane, égocentrique, paranoïaque, mystique, mégalomane, satanique, schizophrène, sans limite…

Son enfance est tout simplement chaotique. Sa mère alcoolique l’a abandonné très jeune et il n’a jamais connu son père. Il va être incarcéré pour la première fois à l’âge de 17 ans et sera diagnostiqué comme quelqu’un « d’asocial » et de « psychopathe ».

Quand il sort de prison, Charles Manson va évoluer au milieu des hippies, de la drogue et d’un contexte historique important. Il sera aussi marqué par la musique (“Sympathie For The Devil” des Rolling Stones, ”Light My Fire” desDoors, l’album blanc des Beatles…) et tout ce qui touche au diable comme le film de Polanski : Rosemary Baby. Tout cet environnement va impacter la personnalité psychopathique déjà très atteinte de Manson le rendant toujours plus dangereux mais aussi énigmatique.

Par la suite il sera diagnostiqué « schizophrène paranoïde » par les psychiatres de la prison où il croupit toujours. La dimension psychopathique a donc évolué depuis ses 35 ans et laissé apparaître la psychose.

 K | Pourquoi Charles Manson fascine-t-il autant ?

Il y a toujours eu une grande fascination envers les tueurs en série et plus particulièrement aux Etats-Unis. C’est un sentiment d’attirance et à la fois de répulsion. A tel point que certains n’hésitent pas à couper leurs cheveux en prison pour les revendre à un prix exorbitant. Il y a un vrai business autour des serial killers. Le plus surprenant c’est que cette fascination est essentiellement féminine. Beaucoup de femmes tombent amoureuses des tueurs en série et vont même jusqu’à les épouser, j’en parle dans mon livre Femmes fatales. Elles disent vouloir les guérir, les transformer en ange…  Mais on ne guérit pas un Charles Manson.

K | A ce propos, il a voulu se marier cette année ?

Oui, avec une jeune femme de 27 ans qui lui écrivait tous les jours et lui rendait visite toutes les semaines. Finalement, elle a avoué vouloir utiliser le corps de Manson une fois décédé pour réaliser une exposition payante à son domicile. Suite à ça, il a décidé d’annuler le mariage se proclamant “immortel”.

K | Forcément… Vous avez déjà rencontré des personnalités similaires au cours de votre carrière ?

Non, jamais. Lui c’est un cas unique. Et c’est mieux ainsi.

K | Comment faites-vous pour rentrer dans la tête d’un tueur en série ?

 

On ne rentre jamais dans la tête d’un tueur en série. Ceux qui pensent pouvoir le faire sont tout simplement des menteurs. Il y a deux parties dans mon travail. La première consiste à effectuer l’analyse criminelle que les américains appellent le “profilage” afin d’identifier un auteur. Il s’agit d’une collaboration avec des services d’enquête comme la gendarmerie ou la police avec lesquels on travaille sur l’analyse de la scène du crime et aussi sur la victime. On cherche à savoir qui elle connaissait, pourquoi elle aurait pu être tuée… On essaye de créer des liens pour déterminer qui a pu en vouloir à cette personne. Mais aujourd’hui, il y a d’une part tout l’apport de l’ADN et d’autre part des logiciels comme SALVAC qui font des regroupements très efficaces. Il suffit d’insérer le dossier d’enquête, analyses, photos etc. Le programme va ensuite se charger de trouver des données similaires sur d’autres affaires en établissant des rapprochements. Il n’y a donc plus de « profiler » en France. Aucun tueur en série n’a jamais été identifié et interpellé en France grâce à un profiler.

K | Et vous rencontrez directement les meurtriers ?

C’est l’autre facette de mon métier. Lorsque j’ai une personnalité à analyser je vais en prison pour passer 2 à 3 heures face au criminel afin de réaliser une expertise psychologique complète. Je pose des questions ouvertes en suivant un protocole et des thèmes précis. Ensuite, je termine par une batterie de tests que je choisis en fonction de la personnalité que j’ai devant moi. Ça peut être un test d’intelligence, d’anxiété, de dépression et de mensonge aussi et parfois de détérioration morale.

K | Vous avez déjà eu des problèmes en compagnie de tueurs en série ?

Quand je suis en prison face à un criminel, j’ai plusieurs moyens d’alerter les gardiens. Je peux presser un bouton sur le mur ou déclencher à tout moment une alarme accrochée à mon cou. Dans la plupart des cas je me sens en sécurité et l’échange se fait toujours en douceur avec des questions simples. Je leur demande comment ils se portent en prison, s’ils ont mal quelque part, s’ils reçoivent des lettres de leur famille etc. Je n’ai jamais eu de soucis particuliers à part cette fois où un psychopathe m’a sorti : “Oh je vous verrais bien avec une hache plantée au milieu du crâne”. Je n’étais pas très rassurée ce jour-là et je ne voulais pas vivre un remake du Silence des agneaux.

K | Dans Aquarius on voit souvent Charles Manson chanter et jouer de la guitare. Il enregistre même une démo dans l’épisode 3. C’était une rockstar ?

Non loin de là et ça sera sans doute sa plus grande frustration, bien qu’il ait enregistré quelques chansons comme on peut le voir dans la série. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles il s’est vengé en commanditant les meurtres dans l’ancienne demeure de Terry Melcher qui avait refusé de produire son disque. Il a appris à jouer de la guitare en prison, pour lui ça a toujours été un moyen de s’exprimer et quelque part de survivre.

K | Tout au long de la série, on a un Charles Manson difficile à cerner avec une idéologie d’un “monde nouveau” un peu comme le gourou d’une secte.

En sortant de prison Charles Manson a créé une communauté hippie qu’il a appelée : “la Famille”. C’était une façon pour lui de se constituer une image familiale dans laquelle on retrouvait une cinquantaine de jeunes hippies avec beaucoup de drogues, de LSD et de liberté sexuelle. Il se prendra pour un dieu vivant en séduisant un tas de jeunes marginaux, d’adolescents fragiles… On le voit bien dans la série lorsque la jeune fille disparue, Emma Karn, tombe sous l’emprise de Manson. C’est terrifiant de le voir manipuler ses adeptes au point de leur faire commettre le pire.

K | Le détective Sam Hodiak ne s’imagine pas poursuivre un homme moitié-gourou moitié-psychopathe. En 1967, la police et les profilers avaient-ils déjà rencontré ce genre de meurtrier ?

Non jamais. Et le FBI n’avait pas encore été chargé de chasser les tueurs en série à l’époque. Le problème c’est qu’aux Etats-Unis il y a 44 000 polices. Parmi elles, 17 000 ont la capacité d’enquêter. Donc inutile de vous dire que lorsqu’on quitte la zone géographique d’un district, il devient très difficile pour la police de vous retrouver. Beaucoup de serial killer ont utilisé cette faille pour fuir les autorités. L’affaire Manson a véritablement bouleversé la justice et les polices américaines.

K | Pourquoi il est si difficile de traquer Charles Manson ? 

Charles Manson n’a pas commis personnellement les meurtres, il en a été le commanditaire en manipulant ses adeptes pour qu’ils tuent à sa place. C’est là où l’affaire prend une tournure très complexe. Il n’a laissé aucune empreinte sur les scènes de crimes ni de sécréteurs (sang, sperme, salive et sueur). A l’époque, on ne travaillait pas sur l’ADN comme aujourd’hui. Et puis, il était très protégé par les membres de sa communauté.

K | Quel conseil donneriez-vous au détective Hodiak pour le faire coffrer ?

Pas facile, surtout en 1967… A l’époque, la police n’avait jamais rencontré ce genre de cas auparavant. Je n’ai pas tellement de conseils à donner à ce pauvre détective qui poursuit un tout nouveau genre de psychopathe. Si j’avais pu, je lui aurais bien envoyé le logiciel ANACRIM. Ce programme permet d’établir des rapprochements à l’image d’une toile d’araignée en intégrant les rencontres, les appels téléphoniques, les lieux, les infos d’ordre psychologique etc. Mais j’ai bien peur que le détective Hodiak soit obligé d’attendre un peu avant de pouvoir utiliser cette technologie, alors je lui souhaite tout simplement bonne chance…

Si vous ne craignez pas de tomber sous l’emprise du terrible gourou-psychopathe Charles Manson, vous pouvez suivre sa traque fascinante dans la série Aquarius.

Source : http://www.konbini.com/fr/entertainment-2/aquarius-criminologue-serie/

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