L’ESSOR de la Gendarmerie Nationale

« De l’Expertise Criminelle au Profilage »

 

Michèle Agrapart-Delmas, psychocriminologue ayant pratiqué plus de 2 000 expertises criminelles, vient d’écrire un ouvrage dont nous conseillons la lecture à tous les enquêteurs de la Gendarmerie. Elle y rappelle, d’ailleurs, que  » la Gendarmerie nationale, depuis 1994, possède un programme d’analyse criminelle Anacrim mis au point par la gendarmerie belge et qui comporte deux types d’analyses informatisées, l’une fondée sur le temps et l’autre sur les liens. Il s’agit en fait plus d’une technique informatisée d’analyse criminelle que d’un véritable profilage. Mais, depuis des décennies, la Gendarmerie nationale pratique des rapprochements judiciaires et, actuellement, met en place une formation spécifique pour ses enquêteurs « . Pour donner une idée de cet ouvrage très instructif, nous livrons à nos lecteurs quelques passages sélectionnées par nos soins.

Les femmes tueuses de leur mari et leur jubilation
C’est une constatation étonnante que j’ai faite lors de chacune de mes expertises concernant les femmes qui avaient tué leur mari ou leur compagnon : elles jubilaient. Peu étaient maltraitées, insultées ou violées, celles-là restent et ne tuent pas. C’étaient des femmes ordinaires, avec des histoires ordinaires et un homme banal dans leur vie. L’alcool a, dans la quasi-totalité des dossiers que j’ai traités (plus d’une trentaine), incontestablement joué un rôle déterminant, permettant la levée des inhibitions… Les motifs sont assez traditionnels : conflit familial, jalousie, dettes, autre femme ou simple perte de contrôle sous le coup de l’alcool. Les meurtrières pas plus que leur victime ne présentent de caractéristiques psychiques particulières ; le mode de passage à l’acte est banal, mais ce qui est remarquable est la formidable adaptation de l’auteur au milieu carcéral. La plupart m’ont dit sous une forme ou une autre, alors qu’elles étaient incarcérées : je suis enfin libre. Plus de ménage à faire, ni de commissions, de repas à préparer, de linge à entretenir, plus de devoir (sexuel) conjugal à supporter … Beaucoup disent, dans la proximité relationnelle de l’expertises, mais pas au procès, regretter non pas leur geste, mais de ne pas l’avoir accompli plus tôt.

Les maris assassins
Les maris assassins de leur femme sont d’une totale banalité ; ils tuent parce qu’ils en ont assez de la voir, ou pour vivre avec leur maîtresse, rarement par passion parce que l’épouse a un amant… Mais alors que les femmes jubilent après le meurtre, eux pleurent, masquent ce qui est la plupart du temps un assassinat en accident, et sont des veufs inconsolables… jusqu’aux obsèques… A leur sortie (de prison), ils ont en général plus de difficultés à s’adapter que les femmes meurtrières.

La destruction du corps
C’est aussi le corps qui est détruit, annihilé dans le suicide, (la deuxième cause de mortalité en France avant 25 ans, ( et qui touche 33 % des garçons)… Mais, à l’autre bout de la vie, 3 000 personnes de plus de 65 ans se suicident chaque année, et c’est trois fois plus que les jeunes entre 15 et 24 ans. Quand 100 adolescents meurent, 38 % sont tués dans des accidents de voiture, 15 % se suicident, 1 % est tué par homicide volontaire.

Naissance des délinquants
Le divorce, souvent évoqué, n’est certes pas une chance pour l’enfant, mais c’est un faux problème. Dans le cadre de la séparation parentale, c’est l’absence totale d’un des parents, vécue comme un rejet ou un abandon, ou la destruction calomnieuse de l’image de l’un ou de l’autre parent (le père surtout) qui va entraîner des difficultés comportementales chez l’enfant. Un couple peut être séparé et assurer cependant l’éducation structurée de sa progéniture. Il y a autant de délinquants dans des familles non séparées où le père est psychologiquement, physiquement absent, ou n’assure pas ses fonctions, que dans les familles monoparentales. Les Américains ont calculé qu’un jeune garçon de 18 ans qui regarde régulièrement deux heures par jour la télévision a déjà assisté à 180 000 meurtres, assassinats, viols, défenestrations, incendies volontaires, etc. L’accoutumance, la banalisation et la normalisation de la violence vont, bien sûr, augmenter le stress et l’anxiété des jeunes, favoriser la reproduction de ce qu’ils ont vu, tant dans des comportements agressifs et délictueux que dans des violences intra-familiales, et un certain nombre d’enfants battus deviennent à leur tour des parents maltraitants.

Profilage
Le profilage en est à ses balbutiements. Très vite, les  » artisans  » qui actuellement effectuent ces études vont être aidés ou suppléés par des logiciels spécifiques. Il n’est qu’un des aspects de l’enquête criminelle, qu’il ne remplacera jamais. La place de la psychologie est croissante et s’ajoute aux dimensions juridiques et criminalistiques, qui sont les fondements de l’enquête. L’approche psychologique, soutenue par l’apport de l’informatique, enrichit la recherche criminelle. Le profilage, très surévalué et déformé par les médias, ne doit pas non plus être dégradé par des profileurs amateurs, ni méprisé par ceux qui n’en ont pas la connaissance. Il a sa place, plus ou moins importante selon les dossiers, dans une enquête criminelle.

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