Michèle Agrapart est psychocriminologue et expert judiciaire près la cour d’appel de Paris.
LE FIGARO. – Les aveux de Guy Georges s’inscrivent-ils dans la stratégie du tueur en série?
Michèle AGRAPART. – Absolument même s’il est rare de voir un psychopathe pleurer. Mais, acculé par l’une des avocates des parties civiles, il a craqué. Alors il a joué à l’humble. C’est un tragédien. Mais rien ne dit qu’il ne va pas revenir sur ses aveux dans deux ou trois jours. Car Guy Georges, comme les autres tueurs multirécidivistes, est un manipulateur, un séducteur sur lequel ses défenseurs ont mis la pression. Il n’avait à perdre que son orgueil ce qui est important pour cet être narcissique. C’est vraisemblablement un psychopathe qui vit non pas dans la haine mais dans le mépris de l’autre, tueur multirécidiviste, aux pulsions sexuelles, qui a besoin de dominer, de soumettre, de chosifier la victime. Je redoute, maintenant, pour les familles, qui attendaient une reconnaissance de leurs souffrances et le début d’un sentiment de culpabilité ou de compassion pour les victimes, qu’il ne leur livre par le menu détail l’accomplissement de ses crimes.
Avec Guy Georges, on a affaire, selon vous, à un vrai serial killer à l’américaine?
Pour être très exact, le terme « tueur en série » n’existe pas en France. Les Américains lui donnent une connotation sexuelle. Nous, non. On parle surtout de « tueur multirécidiviste » à partir de la troisième victime avec des motivations équivalentes. En France, ce type de profil est relativement rare. Les trois quarts des « serial killers » se trouvent aux Etats-Unis, dans cette Amérique puritaine qui conçoit des Dr. Jekyll et Mr. Hyde. On en retrouve un grand nombre en Afrique du Sud également de culture anglo-saxonne sur laquelle viennent se greffer les problèmes raciaux. Si l’on peut faire une comparaison dans l’horreur: en France, pour une soixantaine de millions d’habitants, on ne compte « que » 1 200 à 1 400 homicides contre dix fois plus en Afrique du Sud pour quelque 40 millions d’habitants.
Propos recuillis par Alice Sedar
Mars 2001