La croix

Un « Profileur » à la française

Michèle Agrapart-Delmas est psychocriminologue, expert judiciaire auprès de la cour d’appel de Paris. A ce titre, elle a dressé le portrait psychologique de 400 pédophiles

A première vue, rien ne distingue le cabinet de Michèle Agrapart-Delmas de celui d’un quelconque psychologue. Un bureau coquet, un lit de consultation, une lumière tamisée… Rien, si ce n’est un diplôme de la Légion étrangère, une récompense pour bons et loyaux services obtenue à la suite d’une expertise. Car cette femme blonde de 55 ans, psychocriminologue comme l’indique sa plaque, est spécialiste du comportement humain. Expert judiciaire de la cour d’appel de Paris, elle collabore étroitement avec la police, la gendarmerie et la justice depuis une vingtaine d’années. Soit pour effectuer l’expertise de la personne mise en examen. Soit, plus rarement, pour reconstituer la personnalité du meurtrier anonyme recherché par les enquêteurs. À son actif, elle compte une trentaine de  » profilages  » et plus de 2 000 expertises, dont celles de quelque 400 pédophiles. De son expérience, elle a tiré une étude d’une centaine de pages, et surtout beaucoup d’interrogations sur le profil du pédophile.  » Il n’y a pas actuellement de caractéristiques sociales spécifiques, analyse-t-elle. Sur l’ensemble des cas auxquels j’ai été soumise, beaucoup sont mariés, pères de famille et 20 % sont des homosexuels.  »

La procédure suivie ? La psychocriminologue s’entretient à trois reprises avec l’auteur des faits, en tête à tête, afin d’établir la personnalité névrotique ou psychotique du pédophile. Et dégager quelques tendances.  » Plus ils sont vieux, plus les victimes sont jeunes.  » Ils sont aussi massivement masculins : sur 399 cas de pédophilie expertisés, 19 seulement ont concerné des femmes, même si ces dernières semblent de plus en plus nombreuses. Autre signe significatif, près de la moitié des pédophiles travaillent dans le monde de l’enfance. Et surtout, les agresseurs pédophiles sont plus ou moins connus de l’enfant.

Tous ont des troubles d’identification parentaux

Contrairement à une idée reçue, les pédophiles ne sont pas forcément immatures. De même, ils ne comptent pas plus d’alcooliques ou de drogués que le reste de la population délinquante. Un quart d’entre eux ont commencé par des comportements exhibitionnistes.  » Malheureusement, ces infractions ne donnent pas souvent lieu à une plainte et celle-ci est rarement enregistrée par les services de police.  »

Les agresseurs ont-ils été des victimes dans leur enfance ?  » Beaucoup l’affirment « , répond l’expert, sceptique. En réalité, selon elle, le seul élément commun des pédophiles reste  » la faiblesse de leur sens moral et les troubles d’identification parentaux. En bref, des gens normaux avec cette déviance en besace « , conclut-elle. Parfois, il lui arrive d’utiliser la technique du profilage. Il s’agit de reconstituer la personnalité d’un criminel dont on ignore l’identité. Cette méthode nouvelle est encore peu en usage en France pour retrouver un violeur d’enfants multirécidiviste « , précise-t-elle. En fait, la grande majorité des cas de pédophilie ne nécessite pas, l’aide d’un profileur, puisque l’enfant connaît généralement son agresseur.  »

Le métier de profileur en tant que tel n’existe pas en France « , insiste d’ailleurs Michèle Agrapart-Delmas;  » Il arrive simplement que les enquêteurs fassent appel à un psychologue pour une mission spécifique.  » Un exercice obscur et laborieux qui participe à l’investigation mais qui ne conduit pas forcément à identifier l’auteur d’un crime.

Pourtant,  » le profilage en matière de pédophilie devrait prendre de l’ampleur grâce à l’utilisation du logiciel Chardon « , rapporte l’expert. Mis au point par la brigade criminelle de la préfecture de police de Paris, cet instrument regroupe les infractions présentant des similitudes et susceptibles d’avoir été commises par le même individu. D’abord destiné aux homicides,  » l’outil devrait servir ensuite à identifier les pédophiles multirécidivistes et les violeurs en série ». Un exemple ? Michèle Agrapart-Delmas a dernièrement collaboré à une enquête sur des viols en série dans l’Est parisien.  » Le pédophile s’est déjà attaqué à une vingtaine de jeunes filles. Nous avons son sperme, son ADN, son sang et même une partie de son signalement. Manquent son nom et son adresse.  »

Olivier TALLES
Février 2001

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